Dominique Bréard, avocat aveugle, reconnu par ses pairs

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par Jérôme CARTILLIER PARIS, 3 jan (AFP) - Dominique Bréard, 35 ans, est avocat. Il a été élu, à l'issue d'un concours d'éloquence très relevé, secrétaire de la Conférence du Stage qui rassemble les pénalistes considérés comme les plus brillants de leur génération. C'est la première fois qu'un aveugle rejoint ce cercle très fermé. Depuis le 1er janvier, aux côtés de onze autres secrétaires, il assure les permanences, notamment en matière criminelle, pour les personnes n'ayant pas les moyens de s'offrir un défenseur. Une année de travail intense au service des plus démunis face à la loi. Mais également un tremplin pour la carrière qu'ont emprunté de nombreux avocats de renom. "Un certain nombre d'adaptations sont nécessaires, mais elles sont purement matérielles. Philosophiquement et intellectuellement, ce n'est absolument pas un problème", explique Me Bréard. Visites en prison, interrogatoires de première comparution, plaidoiries. Il épluche son courrier et ses dossiers avec l'aide d'un ordinateur doté d'un écran braille et d'un écran vocal. Lorsqu'il faut réagir sur place, en urgence, il est accompagné d'un élève-avocat pour la lecture du dossier. Reste la question essentielle du positionnement dans un monde - celui du droit pénal - extrêmement concurrentiel. "Il faut avant tout éviter le cantonnement qui fait vous n'êtes pas le professionnel, vous n'êtes pas l'homme, vous êtes votre handicap", explique Me Bréard. Et de raconter, paisible : "On me dit souvent : fais-tu l'avocat des aveugles? En dépit d'une extrême sincérité, c'est comme cela que naissent les choses aussi terribles que le racisme". [BB]"Pas un militant"[EB] "Il y a un côté porte-drapeau malgré moi", reconnaît le secrétaire de la Conférence qui refuse catégoriquement de devenir "un symbole, une mascotte". "Je ne veux pas être l'exemple ou la motivation d'une masse que je définis mal", explique-t-il, tout en reconnaissant pouvoir être utile si son parcours peut, "ponctuellement", être source d'encouragement. La cécité à laquelle est parfois associée un "sixième sens" peut-elle constituer un atout, en audience ou face à un juge d'instruction? Le jeune pénaliste balaie l'idée d'un revers de manche. "Il y a, dans cette idée, beaucoup d'angélisme, un peu d'arrogance, et peut-être un peu de paresse aussi". "S'il peut m'arriver d'exploiter une sensibilité aiguë, cela sera toujours ponctuel", explique-t-il, prenant soin d'ajouter : "La sensation, l'intuition, peuvent être fausses, et, malheureusement, on n'a pas trouvé mieux que le boulot". Mène-t-il, en définitive, un véritable combat? "Toute personne qui vit a envie de faire des choses dans sa vie. Moi, ce n'est pas autre chose que cela. Mais je n'ai, aujourd'hui, rien à me prouver en fonction de ma cécité", explique l'avocat. "Je ne suis pas un militant de ce point de vue là", résume-t-il. Militant d'une autre cause alors? "Oui, sûrement, concernant la prison. C'est dégradant. Cela ne participe pas à la réinsertion. Et cela n'apporte rien non plus à la société, même à celle qui revendique haut et fort la sécurité à tout prix", lâche Me Bréard, soudain vindicatif. jca/mfo/cco [BI] « Tous droits de reproduction et de représentation réservés. © (2003) Agence France-Presse. Toutes les informations reproduites sur cette page sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par l'AFP. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, modifiée, rediffusée, traduite, exploitée commercialement ou réutilisée de quelque manière que ce soit sans l'accord préalable écrit de l'AFP. L'AFP ne pourra être tenue pour responsable des délais, erreurs, omissions qui ne peuvent être exclus, ni des conséquences des actions ou transactions effectuées sur la base de ces informations. ».[EI]
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