L'Etat met le paquet sur les apprentis handicapés ?

Le gouvernement veut "mettre le paquet" sur l'apprentissage des jeunes en situation de handicap, notamment en imposant la nomination d'un référent handicap dans chaque CFA. Deux ministres se sont rendues sur le terrain pour en assurer la promo.

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Depuis le 1er janvier 2019, chacun des 965 centres de formation des apprentis en France a l'obligation de nommer un référent handicap. Ainsi en a décidé la loi pour la Liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018. Sur le volet apprentissage, deux publics visés : les jeunes en situation de handicap et ceux issus des quartiers prioritaires de la ville. Patrick Toulmet, délégué interministériel au développement de l'apprentissage, est chargé de ce dossier. Lui-même artisan et en situation de handicap, il porte un œil aiguisé sur cette question et assure que le « bonus c'est de prendre une personne handicapée dans les entreprises ». L'objectif de cette réforme ? Donner un coup de boost à l'apprentissage des jeunes en situation de handicap, porter des talents différents et leur permettre d'accéder ensuite à un emploi pérenne. In fine, réduire le chômage massif des personnes handicapées (19 %), deux fois supérieur à celui des valides.

Un CFA exemplaire

Muriel Penicaud, ministre du Travail, et Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat chargée des personnes handicapées, se sont donc rendues le 29 janvier dans un CFA « exemplaire » pour défendre cette voie jugée « royale ». L'Institut des métiers et de l'artisanat du pays de Meaux a ouvert ses portes en 2015 à Chauconin-Neufmontiers. Flambant neuf et 100 % accessible, à la fois innovant sur le plan technologique et en matière d'accueil, il accompagne 70 jeunes apprentis avec des handicaps très divers, répartis dans les neuf pôles de formation (alimentation, industrie, commerce et vente, coiffure et esthétique, entrepreneuriat).

Référente par passion

C'est Bérengère Dietrich, assistante administrative, qui s'est portée volontaire pour ce poste de référent. Sans connaissance spécifique du handicap, elle dit être « partie de zéro » mais avoir accepté cette mission « par passion ». Elle dédie son temps aux apprentis handicapés selon leur demande, chaque fois qu'ils en ont besoin. Ici, des binômes rassemblant un jeune en situation de handicap et un autre « valide » permettent de créer une synergie positive. La priorité de Bérengère : accompagner le jeune et faciliter son apprentissage. « Je suis en veille permanente pour me former et trouver les bonnes ressources, ça s'apprend », affirme-t-elle. Un réseau national de 965 référents doit voir le jour qui devrait contribuer à consolider cette démarche. Le modèle de poste de référent handicap n'a pas encore été précisé mais Muriel Pénicaud assure qu'elle va « s'inspirer des CFA qui se sont déjà engagés » pour établir un référentiel avec une description précise des missions et encourager l'animation de ce réseau via un échange de « bonnes pratiques ». Pas question, selon elle, de « définir cela dans un bureau à Paris ».

Une région pionnière ?

Comme ici, d'autres CFA font figure de pionniers, notamment en Ile-de-France où une politique volontariste est menée depuis deux ans. « Le Conseil régional est très satisfait de voir que ses idées sont reprises », explique Pierre Deniziot, conseiller en charge du handicap. Le constat était en effet sévère : seulement 0,3 % d'apprentis handicapés. La région s'est donc fixé comme objectif d'atteindre 2 % à l'issue du mandat (2021). Pour y parvenir, sans qu'il n'y ait, à l'époque, aucune obligation légale, elle a encouragé la nomination de référents dans ses CFA, animé ce réseau et débloqué des aides dédiées afin d'ouvrir des formations accessibles. « Ça va dans le bon sens mais nous allons rester vigilants, assure-t-il, puisque les régions, dans le cadre de la réforme de l'apprentissage, ont été dépossédées de ce pilotage. Comment cela va-t-il être animé, comment les référents vont-ils être formés ? »

Encourager les jeunes

Du côté des jeunes, la ministre du Travail entend les « convaincre que c'est possible. On peut aller vers la voie de la réussite, de la passion, de l'excellence qu'est l'apprentissage même si on a un handicap ». Sophie Cluzel affirme à son tour qu'il faut « lever cette autocensure » et la « peur des familles » qui se disent : « C'est déjà compliqué dans le milieu scolaire, est-ce que, dans celui de l'apprentissage, on n'a pas une double complication, entre la formation et l'entreprise ? ». Elle veut donc les « rassurer sur le possible, mais aussi les CFA en leur disant que les adaptations ne sont pas si compliquées » et qu'une « pédagogie différenciée sert au plus grand nombre ».

Des moyens à dispo

Aujourd'hui, seuls 1% des apprentis sont concernés par un handicap, alors qu'ils seraient potentiellement 6 %. Le gouvernement se fixe ce cap, en espérant aller au-delà... Pour ce faire, Muriel Penicaud, qui dit vouloir « mettre le paquet », assure que « tous les outils financiers et ergonomiques sont engagés ». Dans le Plan d'investissement compétences, la priorité sera donnée à tous les publics qui en ont besoin, dont les personnes handicapées, particulièrement touchées par l'absence de qualification. L'objectif ? « Pouvoir évoluer, du CAP à l'ingénieur, comme tout le monde et grâce à l'apprentissage », assure la ministre du Travail. Le gouvernement prévoit par ailleurs des ressources supplémentaires pour les CFA qui mettent en œuvre un accompagnement pédagogique ad hoc.

Dans ce contexte, Sophie Cluzel encourage les jeunes à demander une RQTH (reconnaissance qualité travailleur handicapé) « pour en faire une force ». Et de rappeler que l'accès aux droits a été simplifié depuis le 1er janvier 2019 et que certains bénéficiaires (80 % et plus) peuvent désormais l'obtenir à vie (article en lien ci-dessous). « Le milieu scolaire ordinaire a largement ouvert ses portes, conclut Sophie Cluzel. C'est au tour de l'entreprise et, donc, de la formation. Nous devons l'accompagner comme nous avons accompagné la scolarisation. »

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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