"Pour communiquer sur le handicap, la prudence est de mise"

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Les organisations dotées d’une mission handicap en viennent rapidement à envisager une communication sur l’existence de cette mission et sur ses actions. Les budgets consacrés à ces campagnes sont conséquents : l’idée qu’elles participent à sensibiliser l’entreprise au handicap justifie ces engagements.
Mais les objectifs donnés à cette communication sont multiples. Il semble difficile d’élire une cible unique aux campagnes, qui s’adressent souvent simultanément :
- aux salariés de l’entreprise pour leur faire connaître les actions de la mission handicap et/ou pour les sensibiliser et les informer sur les différentes formes de handicap ;
- aux travailleurs handicapés en recherche d’emploi ;
- au grand public – client de l’entreprise – pour qu’il ait une perception positive du positionnement responsable de l’entreprise.

De plus en plus d’organisations s’adressent à des professionnels de la communication pour élaborer ces campagnes. D’après ces derniers, les briefs des donneurs d’ordre s’accompagnent systématiquement de consignes de prudence1. On leur demande d’innover sans déranger…

La difficulté des choix iconographiques illustre bien cette prudence. L’image du fauteuil roulant sera familière pour le grand public mais loin de la réalité. Comment représenter la diversité des profils de l’entreprise ? Choisir d’illustrer une campagne avec les salariés handicapés ne véhicule pas le même message que de choisir des acteurs pour tenir ces rôles… question de distance ou de prudence ?
Les campagnes semblent vouloir à tout prix « incarner » le sujet du handicap plutôt que de privilégier la cohérence par rapport à la stratégie de l’organisation sur sa politique du handicap. Dès lors, la communication sur le handicap reste consensuelle : on constate une grande homogénéité des campagnes de communication dans ce domaine, et une efficacité relative de celles-ci.

Il existe des campagnes audacieuses, par exemple le programme écossais See Me2, campagne mass media de sensibilisation au handicap psychique qui s’accompagne de formations à la communication sur le sujet. Mais le fait que les pouvoirs publics en soient l’auteur influe sur son format : on considère en effet que leur mission de service public les autorise à « bousculer ». L’acteur économique, lui, ne se donne pas cette liberté… peut être parce qu’il ne se pense pas encore suffisamment légitime sur le sujet du handicap.

Malgré tout, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à communiquer sur leurs engagements en matière de handicap et à tenter de se démarquer en développant de nouveaux supports3 . Mais tant que leurs intentions ne seront pas clairement exprimées au préalable, il leur sera difficile de concevoir des campagnes efficaces.

 

Et si j'osais...communiquer différemment sur le handicap ?

 

« On ne saurait parler de communication sur le handicap sans un détour par les a priori générés par ce sujet. Car si l’on veut avoir une action efficace en faveur du handicap, la communication doit, avant tout, jouer un rôle de « déclic » pour effectuer un basculement cognitif permettant de corriger les idées préconçues sur l’incapacité des personnes en situation de handicap à travailler. 55 % des salariés qui ne travaillent pas avec des personnes handicapées pensent que les travailleurs handicapés ont du mal à accomplir leur travail, et 19 % vont jusqu’à dire qu’ils compliquent le travail4. La communication doit opérer un déplacement d’un sujet parfois tabou à un sujet compris et finalement accepté. Elle ne peut être une fin en soi…
Les campagnes publicitaires récentes ont fait avancer la perception du handicap. Malheureusement, elles se ressemblent toutes. Sur les 30 entreprises qui ont communiqué pendant la Semaine pour l’emploi des personnes en situation de handicap 2009, seuls trois types de messages sont passés :
(1) certains annonceurs insistent sur leur engagement, soit en s’appuyant sur des résultats concrets (chiffres, accords…) soit en mettant en scène des personnes handicapées (réellement handicapées ou comédiens valides) ;
(2) d’autres affirment ne s’intéresser qu’aux compétences ou aux talents ;
(3) d’autres enfin prônent que tout le monde est différent.
Dans cette uniformité ambiante, peu d’entreprises réussissent à émerger véritablement. Certaines campagnes de communication sont quasi identiques (même procédé, même idée, voire même traitement). Enfin, aucune de ces 30 campagnes ne s’adresse directement
aux personnes en situation de handicap…
Une voie à explorer serait de communiquer sur les personnes handicapées qui travaillent, à l'instar des campagnes de publicités réalisées par les autorités anglaises Make a small change, make a big difference5 . On pourrait ainsi dépasser l'intention de recruter et montrer enfin que handicap et travail ne sont pas incompatibles.»

Yasmine Martin Decaen, Directrice conseil, Euro RSCG C&O

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