Portrait d'un MOF*

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Jean-Pierre est victime d'un accident de moto tout-terrain en 1987. Le verdict est sans appel, paraplégie D12. Un séjour à l'hôpital de quelques mois et c'est la rentrée scolaire qui reprend. Jean-Pierre est en 1ère B. Si la motivation est là, le coeur n'y est plus et à la fin de cette année il préfère arrêter. Le reste se fera par le CNED (Centre National d'Enseignement à distance). C'est en fait pour Jean-Pierre le début de la «[BI]traversé du désert[EI]». Le remise en question incontournable d'un adolescent blessé dans son corps et dans son âme. «[BI]Je devais apprendre à vivre avec un fauteuil roulant et durant cinq à six ans j'ai réappris les gestes de la vie quotidienne. Ma famille a bien réagi après mon accident et m'a entouré. Tout le monde était là et ça a été la clé de voûte de ma nouvelle vie.».[EI] La prise de conscience de son nouveau corps et de ce qu'il va pouvoir faire avec lui, donne une nouvelle base de départ et se pose alors la question de ce qu'il va pouvoir faire de sa vie et quel métier va t-il pouvoir exercer. Comme tous les adultes handicapés, Jean-Pierre passe par les arcanes de la COTOREP d'où il découvre une formation en sellerie. Séduit par le secteur du cuir il se lance avec en arrière pensée le projet de créer sa propre entreprise. «[BI]J'avais l'ambition de créer mon entreprise avant même mon accident[EI]». Mais Jean-Pierre n'a pas choisi la sellerie par hasard, ses parents travaillent déjà dans des métiers liés au cheval et il connaît un peu le métier. «[BI]Je savais que je n'aurais pas de chose lourde à porter et que je pouvais être autonome[EI]». La formation est faite au sein du centre de rééducation professionnelle de Clairvivre en Dordogne. Là-bas tout n'est pas si simple car l'établissement n'est pas réellement adapté aux personnes en fauteuil roulant. Coté formation, «[BI]si j'ai acquis les bases, il manquait dans cette formation la dimension projet personnel qui était la raison de ma présence ici.... Je savais que créer son entreprise avec un handicap assez lourd n'était peut-être pas la solution idéale mais certainement meilleure que bien d'autres[EI]». Peu de temps après sa formation Jean-Pierre créé donc son entreprise. Son activité démarre honorablement à Varambon dans l'Ain où son atelier est attenant à la maison qu'il a fait construire. Après deux ans d'activité un ami MOF en maréchalerie l'incite à se présenter au concours. «[BI]Je n'étais pas décidé mais en juillet 2000 au moment des vacances, j'ai préféré rester dans mon atelier pour réaliser mon oeuvre. Le concours se prépare sur deux ans et je n'étais pas au bout de mes peines car il m'a fallu près de 300 heures pour réaliser la bride à oeillères et la sellette d'attelage qui étaient imposées au concours. Il faut dire que j'ai mis le maximum de difficultés dans ces réalisations[EI]». Quelques mois après avoir envoyé son oeuvre au jury, Jean-Pierre apprend par le bais de son ami maréchal, qu'il est déclaré meilleur ouvrier de France en sellerie. La reconnaissance de ses pairs lui a donné une grande crédibilité dans son secteur et offert énormément de contacts, ce qui lui permet de vivre correctement de son activité mais il ne dédaigne pas s'adonner de temps à autre à la bagagerie ou la maroquinerie. «[BI]J'étais très étonné de ce prix car je suis un jeune sellier mais au moins aujourd'hui je n'ai plus à faire la preuve de mon savoir faire et de la qualité de mon travail[EI]». Jean-Pierre travaille avec des professionnels du cheval et des magasins d'équitation aujourd'hui, il souhaite agrandir son atelier pour éventuellement embaucher une personne. Son petit coup de gueule avant que nous le quittions : «[BI]je tiens à dire qu'il y a encore beaucoup à faire pour l'emploi des personnes handicapées et surtout de gros progrès au niveau de la formation[EI]» * [BI]Meilleur Ouvrier de France[EI] Propos recueillis par JMMC
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